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Wednesday, October 31, 2012

Affaire Arkhangelsky en France et en Bulgarie

Comment la Russie persécute ceux qui dérangent à l’étranger par le biais de la coopération judiciaire internationale
от Atanas Tchobanov Вторник, 30 Октомври 2012 19:00
Les maîtres du Kremlin ne supportent pas la dissidence et deviennent particulièrement nerveux lorsque des gens ayant des ressources financières s’en « écartent ».   On règle les comptes avec les « oligarques » incommodes avec l’aide du mécanisme public du parquet (en Russie, il demeure une structure militarisée et les procureurs portent l’uniforme) des banques proches du pouvoir. Ainsi, par exemple, Mikhail Khodorkovsky exécute sa peine de nombreuses années dans un camp, et, récemment Alexander Lebedev est accusé de hooliganisme, ce que peut lui valoir 5 ans de prison. Lebedev est connu pour ses déclarations critiques à l’égard du pouvoir de l’autocrate du Kremlin et il a  eu l’imprudence de financer un des rares médias d’opposition, le journal « Novaya Gazeta ».
La sympathie envers l’opposition n’est toutefois pas le seul critère par lequel le pouvoir du Kremlin persécute des russes riches. La motivation peut aussi être purement lucrative, où, simplement parlant, la spoliation des biens.  Tel est le cas d’un homme d’affaires de Saint-Pétersbourg Vitaly Arkhangelsky qui a trouvé asile politique en France. Depuis trois ans, il est persécuté par une banque liée au pouvoir, y compris en Bulgarie, où il possède des biens.
Qui est Vitaly Arkhangelsky?
Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer qu’à l’époque morte de stagnation sous Brejnev, un scientifique soviétique a reçu le prix Nobel non d’autre chose mais de l’Economie. En 1975, le mathématicien de Saint-Pétersbourg Leonid Kantorovitch et son collègue américain Tjaling Koopmans deviennent lauréats du Prix Nobel pour
« Contribution à la théorie de la distribution optimale de ressources ». Quinze ans plus tard, l’économie de l’URSS s’est effondrée, présentant un exemple parlant de l’écart entre la théorie et la pratique. L’apport de Kantorovitch et Koopmans est toutefois resté incontestable, car leur modèle mathématique linéaire est applicable aux « conditions du marché concurrentiel », lequel était simplement inexistant dans les conditions soviétiques.
La même année du Nobel, Kantorovitch a eu un petit-fils, Vitaly. A la fin des années 1990, après la faculté d’Economie à Saint-Pétersbourg et une spécialisation en Allemagne et en Norvège, Vitaly Arkhangelsky décide d’appliquer ses connaissances théoriques à l’économie réelle, sauvage, de Russie postsoviétique. Avec des crédits importants, il achète les actions de deux ports baltes les plus importants: Saint-Pétersbourg et Vyborg, qui, à l’époque, sont en ruine. Le résultat de sa gestion est bien visible dans la comparaison suivante : en 1997, le port de Vyborg comptait 8 quais et 100 000 tonnes de trafic de marchandises, et en 2012, avec 5 quais en marche, il a réalisé 1 000 000 tonnes en 9 mois. Les actifs d’Oslo Marin Group, dirigée par Arkhangelsky, qui avait, en plus de ports, des activités d’assurance et de transport, augmentaient rapidement. En 2009, Arkhangelsky est déjà considéré comme milliardaire, mais bientôt après cela, les particularités de la réalité russe lui ont rappelé qu’il n’est pas facile d’être un milliardaire indépendant du pouvoir.
Le franchissement de la frontière psychologique d’un milliard, active manifestement d’autres processus qui n’ont rien à voir avec les conditions d’un marché concurrentiel. Le pouvoir tourne son regard vers l’affaire à succès du jeune homme d’affaires et stoppe la croissance progressive du groupe. Un des principaux prêteurs, la Banque « Saint-Pétersbourg », effectue une attaque classique de raiders contre Oslo Marin Group afin de s’approprier son affaire.
En 2010, Oslo Marin Group doit 2,5 milliards roubles à la Banque « Saint-Pétersbourg » qui, tout d’un coup, décide de résilier le contrat de prêt et d’exiger l’intégralité de la dette qui, jusqu’à là, était régulièrement payée et garantie par des actifs de centaines de millions de dollars  de valeur.
Arkhangelsky reçoit une menace du Président et actionnaire majoritaire de la banque Alexandre Savelyev en personne. Il est forcé de transférer à la banque d’énormes actifs pour une somme d’argent dérisoire. Après cette attaque des raiders, l’homme d’affaires constate qu’il n’est plus en sécurité et part avec sa famille en France, où il a un appartement.
Toutefois, l’appropriation d’une affaire ne suffit pas à la banque qui compte parmi ses actionnaires Poutine lui-même (230 actions). L’actionnaire principal Sergey Matvienko, fils de l’ex-gouverneure de Saint-Pétersbourg  et actuelle présidente du Conseil de la Fédération Valentina Matvienko qui est une proche particulièrement fidèle du clan du président Poutine. La Banque produit aux autorités un document avec une signature d’Arkhangelsky, selon lequel il a garanti un emprunt d’une société sur ses biens propres. La Banque prétend que l’entrepreneur a utilisé l’argent pour acheter des biens immobiliers à l’étranger. Un litige de droit civil se transforme immédiatement en litige de droit public, et en juillet 2010 Arkhangelsky est accusé de l’appropriation de crédit et de fraude (article 159 du Code Pénal russe), et plus tard de blanchiment d’argent. L’accusation russe insiste pour que les autorités françaises extradent Arkhangelsky, qui fait l’objet d’un mandat de recherche international. Le 15 novembre 2010 il est arrêté et il fait connaissance des conditions de vie d’une prison française, dans une cellule qu’il partageait avec un souteneur bulgare. « Je sais tout de la sélection des prostituées bulgares et leur exploitation en France », - plaisante aujourd’hui l’ex-milliardaire russe et détenu français. Le 1er décembre 2010, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a rendu un arrêt selon lequel Arkhangelsky est une victime d’« accusations politiquement motivées du système judiciaire criminalisé de Russie », il  a annulé la garantie de 300,000 euros et a refusé son extradition en Russie. La qualité et l’exactitude de l’acte d’accusation russe peuvent être appréciées sur la base des conclusions de la Cour française qui a défini l’exposé fait par le procureur russe comme «confus et opaque ». Les demandes pressantes du parquet poutiniste sont rejetées pour les motifs suivants : « doute sérieux quant au caractère équitable des procédures judiciaires … et quant à l’exercice effectif du droit à la défense ».
Après cela, Arkhangelsky demande l’asile politique et crée un précédent. Il devint le premier homme d’affaire russe important qui a reçu protection comme réfugié politique en France.
En même temps, une expertise française prouve que la signature d’Arkhangesky sur le contrat de garantie est contrefaite. Au début de 2011, en France, il dépose une demande reconventionnelle pour fraude et falsification.
De son coté, la banque, outre les mécanismes punitifs de l’extradition, initie une affaire civile pour la confiscation du bien immobilier du réfugié russe à l’aide de ce qu’on appelle un «exequatur» (la mise en exécution d’un jugement d’un tribunal étranger conformément à l’accord bilatéral d’entraide juridique). Le tribunal étudie attentivement tous les faits de l’affaire et décide de ne pas donner suite à la procédure d’exequatur tant que la plainte d’Arkhangelsky concernant la falsification de sa signature sur le contrat de garantie n’est pas examinée. Le parquet français a déjà officiellement demandé à la Russie d’interroger les dirigeants de la banque « Saint-Pétersbourg ».
« Même si la Russie refuse de coopérer avec les autorités françaises, ce qui est très probable, la France commencera une procédure en justice par défaut contre les personnes responsables de la fraude et pour le paiement de compensations sérieuses à mon client », - considère l’avocat William Bourdon, qui défend les intérêts d’Arkhangelsky en France, où il a également initié des procédures judiciaires.
« Malgré le fait que la Banque a essayé d’induire la justice française en erreur et d’obtenir la décision d’extradition d’Arkhangelsky, à qui la France a donné l’asile, les tentatives de persécution contre sa famille et lui-même continuent. Cela ressemble au combat entre David et Goliath : priver Mr Arkhangelsky de tous ses biens. Il se bat à mains nues avec un adversaire aux ressources illimitées et au soutien administratif du gouvernement russe », - a commenté spécialement pour le site « Bivol » l’avocat français François Ameli.
« Bivol » a posé des questions par courrier électronique aux dirigeants de la Banque « Saint-Pétersbourg » pour comprendre quelle partie des demandes de la Banque etait déjà satisfaite et pour obtenir des commentaires à propos de l’expertise française qui avait prouvé la falsification. Jusqu’à la sortie de cet article, aucune réponse n’a été reçue.
Arkhangelsky est-il persécuté par les autorités russes ? – avons-nous demandé au dissident russe bien connu Vladimir Bukovsky, qui était enfermé dans les hôpitaux psychiatriques sous Brejnev et a été échangé contre le communiste chilien Luis Korvalan en 1976. Sa réponse n’a pas tardé :
« L’Occident doit comprendre un fait de la vie simple : il n’y a pas de système de droit en Russie actuelle, et ce que la Russie appelle le système de droit est, en réalité, juste le contraire : corruption, arbitraire, oppression, qui ronge la Russie comme un cancer, et, comme le cancer, ont tendance à se propager. Pour sauvegarder son intégralité, le système judiciaire occidental doit arrêter la coopération avec les autorités russes et appliquer l’approche de « tolérance zéro » à toute leur demande. Sinon, le Kremlin va continuer d’abuser des instruments de coopération juridique internationale, tels qu’Interpol et les accords d’extradition – et, par biais des affaires civiles, va continuer persécuter ses opposant politiques ou simplement voler les gens. Le cas de Vitaly Arkhangelsky est juste l’exemple le plus récent de cela », - a ainsi exposé en détail Bukovsky.
Les dernière nouvelles de France disent qu’Arkhangelsky et sa famille sont harcelés non seulement par des moyens juridiques. Le 21 octobre dernier des inconnus ont attaqué son épouse et ses enfants devant leur appartement à Nice et ont essayé d’y pénétrer. Les autorités françaises mène une une enquête sur cette agression.
Exequatur russe et justice bulgare
Avant d’acheter un bien immobilier en France, Vitaly Arkhangelsky venait souvent en Bulgarie. Il a acheté 30 appartements dans un complexe de classe luxe « Emerald Resort » près de Ravdha. C’est le même complexe où les pop-stars russe ont investi, tel que Philippe Kirkorov, Lolita Miliavskaya et autres personnages connues de la scène artistique russe. En été 2011, toutes ces célébrités se sont plaint collectivement sur le plateau de la chaine télévisée russe la plus populaire des problèmes avec la direction du complexe et ils ont menacé d’une procédure judiciaire à cause du prix élevé des services immobiliers ;
L’enquête menée par le site « Bivol » a démontré que ce complexe a été construit par Ognian Bozarov, neveu du Todor Jivkov, l’ex-agent du service des renseignements techniques et scientifiques de la Première Direction Principale de la Sécurité de l’Etat, participant actif du projet « Neva » dans lequel des millions de dollars d’argent public se sont noyés sans laisser trace. Son partenaire russe, Alexey Tchepa, est un député de la Douma d’Etat et est également lié aux services spéciaux, plus précisément avec les renseignements militaires de l’Administration Centrale des renseignements.
Les ventes des appartements dans « l’Emerald » aux citoyens russes étaient effectuées en Lettonie contre un paiement en argent liquide, affirment les propriétaires dans leurs plaintes aux forces de l’ordre bulgares. Toutefois, dans les documents établissant le droit de propriété, le prix réel n’est pas indiqué, mais seulement la moitié du prix de l’immeuble et ainsi, Bozarov et compagnie ont fait des économies sur les impôts et  taxes en Bulgarie. Arkhangelsky lui-même a confirmé ces pratiques au site « Bivol ». Mais pourquoi a-t-il besoin de 30 appartements ? Pour générer le bénéfice de la location saisonnière et d’une revente au moment de la hausse des prix », - explique l’entrepreneur pétersbourgeois. « A l’époque, c’était une somme ridicule, j’avais quand même un milliard ».
Aujourd’hui, toutefois, l’ex-milliardaire n’a plus le cœur à rire. Non seulement parce que la crise a fait chuter les prix de l’immobilier. La majeure partie de la fortune d’Arkhangelsky se trouve déjà entre les mains de la Bank « Saint-Pétersbourg » qui, comme cela a été dit plus haut, dispose d’une décision de justice de geler ses biens où qu’ils se trouvent. En Bulgarie, la Banque a également a déposé une demande de reconnaissance du jugement russe (exequatur) qui permettrait de spolier ces 30 appartements. En Bulgarie, le seul tribunal compétent pour examiner les demandes d’exequatur est le Tribunal municipal de Sofia. Là, l’affaire d’Arkhangelsky est tombée entre les mains de la juge Bojana Jeliazkova, célèbre par sa demande absurde d’amener dans la salle d’audience Manol Velev, blessé et en état de coma, dans l’affaire de curatelle initiée par l’épouse de ce dernier, Vesela Letcheva. L’affaire durait des années, jusqu’à ce qu’enfin, le Conseil Supérieur de la magistrature n’ouvre une procédure disciplinaire à l’égard de Jeliazkova. « En plus du cas « Manol Velev », l’enquête a également établi des irrégularités sérieuses dans le travail de la juge dans d’autres affaires. Ses fautes principales sont des retards importants non fondés dans la prononciation des jugements dans des affaires variées, mais, de plus, elle était la seule à être chargée des affaires de saisie de biens, malgré que les affaires de ce type doivent être distribuées d’une façon aléatoire », - écrit le magazine « Pravovoy Mir ».
Toutefois, dans l’affaire initiée par la Banque « Saint-Pétersbourg », Jeliazkova s’est montrée anormalement pressée. En deux mois, elle décide d’accueillir la demande d’exequatur. Contrairement au tribunal français, la cour bulgare ne prête aucune attention à l’expertise qui confirme la falsification de la signature d’Arkhangelsky. La juge Jeliazkova n’est même pas impressionnée par le fait que le jour où le document falsifié avait été signé, Arkhangelsky se trouvait en Bulgarie et il le prouve par un cachet de l’unité de contrôle d’entrée des gardes frontières dans son passeport international. Les fondements formels pour cette décision peuvent être trouvés dans la loi, et ils lui donnent une certaine légitimité. Dans le cadre d’une procédure d’exequatur, la cour n’est pas obligé d’examiner le fond du jugement du tribunal ex-soviétique,   maintenant russe.
Selon la cour bulgare, il suffit que le tribunal étranger soit compétent, qu’une copie de l’acte introductif d’instance soit signifiée au défendeur et qu’il fût dûment convoqué au tribunal. Dans ce cas, l’exigence de notre législation nationale selon laquelle l’exequatur ne doit pas être contraire à l’ordre public bulgare, n’a pas d‘importance. En respectant les formalités, il est tout à fait possible d’ignorer les principes fondamentaux du droit qui garantissent le procès équitable et le respect des droits de l’homme », - ont ainsi commenté pour le site « Bivol » les avocats bulgares d’Arkhangelsky.
"Une poule n’est pas un oiseau"* – il n’existe pas de frontière européenne pour le tribunal bulgare
Mais, comme dit Bukovsky, le problème des divergences entre l’approche française et bulgare au cas d’Arkhangelsky, est aussi politique. L’Exequatur peut être un instrument dangereux entre les mains du pouvoir russe qui contrôle le « système criminalisé de la justice ». A l’aide de ce mécanisme, la persécution de ceux qui gênent est étendue sur le territoire de l’Union européenne. C’est précisément cela que la cour française a pris en compte. Son collègue bulgare, en sa qualité connue de « cheval de Troie » de la Russie en EU, a fermé les yeux, tout au moins en première instance.
Le résultat de cette divergence entre la pratique judiciaire européenne et bulgare est encore plus plus visible dans les données statistiques des condamnations de la Bulgarie à Strasbourg. Elle a un équivalent financier clair : les compensations que l’Etat paie à ceux qui ont gagné des affaires devant la Cour européenne des Droits de l’Homme. Ainsi, si la banque russe gagne quand même l’affaire en Bulgarie, et Arkhangelsky et ses avocats gagnent l’affaire en France, il est très probable qu’un jour le contribuable bulgare devra payer encore pour 30 appartements dans le complexe « Emerald » où lui, le contribuable, ne résidera jamais. Cela  sera la contrepartie de ce que la Bulgarie est devenue le 27ème pays membre de l’UE, avec une  justice héritée de la 16ème république, jamais réalisée, de l’URSS. Parce que les demandes de la Banque contre Arkhangelsky sont fondées sur l’Accord de l’entraide juridique entre la République Populaire de Bulgarie et l’URSS de 1975.
* "Une poule n'est pas un oiseau - La Bulgarie n'est pas un pays étranger" : boutade soviétique de l'époque communiste, soulignant les relations proches entre le gouvernement communiste bulgare et le régime de l'Union Soviétique.

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